Un brave et jeune chasseur, dont l’habileté était devenue
légendaire, s’en alla à travers la forêt, accompagné de son épouse. Il poursuivit
un cerf et le tua. Puis il s’approcha d’un étang pour y laver ses mains.
A peine eut-il plongé ses doigts qu’une force l’entraîna
vers le fond du lac. Sans pouvoir résister, il se laissa glisser. Une ondine, qui
l’attendait depuis des années, lui dit : « Comme je t’ai attendu
longtemps, ô toi que j’aime ! Mais nous voici réunis et nul bonheur
terrestre n’égalera jamais le nôtre. »
Ebloui par tant de beauté, le chasseur perdit la mémoire et
son bonheur fut de contempler la trop captivante ondine.
Pendant qu’il s’abandonnait au charme de la nymphe, son
épouse, effrayée, pensa que le malheureux s’était noyé. Alors elle se lamenta. Un
vieillard passait par là, il s’offrit à la secourir. La jeune femme lui conta
ses malheurs, alors le vieil homme lui tendit un peigne en or et murmura :
-Prends courage, mon enfant. A l’aube tu descendras au bord
de l’étant, et assise sur la rive, tu peigneras tes longs cheveux d’or. Lorsque
tu auras fini, tu poseras le peigne à tes pieds et tu attendras.
La jeune femme reçut l’hospitalité du bonhomme et le lendemain
elle se peigna devant l’étang. Tout à coup l’eau fut agitée : un bras émergea,
puis une tête et la pauvre enfant reconnut son mari qui lui sourit tristement
et disparut dans le lac redevenu calme.
Toute éplorée, la malheureuse fit part au vieillard de sa
déconvenue. Celui-ci lui fit don d’un chalumeau et lui conseilla d’en tirer,
dès l’aurore, des sons harmonieux. La jeune femme retourna vers l’étang, et
quand elle fut lasse de jouer, l’eau se plissa, le chalumeau disparut et un
buste apparut, puis un corps tout entier ; le jeune chasseur tendit les
bras vers son épouse, mais l’onde se referma, laissant la jeune femme solitaire
et désemparée.
Pour la troisième fois elle revint vers le vieillard, qui
lui tendit un rouet d’or : « File ton fuseau et lorsque tu auras
épuisé ta provision de lin, attends. »
Lorsqu’elle eut filé tout le lin, il se fit un grand bruit,
l’onde s’ouvrit et le jeune homme put sauter sur la berge, où tous les deux s’enfuirent.
Mais leur joie fut de courte durée, car une vague énorme s’éleva
et les engloutis ensemble. Ils furent au même moment transformés, l’un en
carpe, l’autre en brochet et ils ne purent se reconnaître.
Les deux poissons vécurent séparés, mais un jour, l’un et l’autre
furent pris dans un filet. A peine sortis de l’eau, ils redevinrent des
humains. Alors tous deux cherchèrent du travail et gardèrent des moutons.
Mais avec les années la belle chevelure d’or de la femme eut
la couleur de la lune et ses joues se creusèrent de profonds sillons. Elle allait,
solitaire, rongée par le chagrin.
Un jour d’orage elle vit un pâtre tout courbé qui conduisait
ses bêtes. L’homme abrita son troupeau, s’assit tristement sur une pierre et joua
du chalumeau. La bergère pleurait et dit : « La dernière fois que je
jouai cet air, je vis le buste de mon bien-aimé émerger de l’onde. »
L’homme regarda attentivement son visage et, malgré les
cheveux blancs, il reconnut sa chère épouse.
Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre et l’orage
finissant les enveloppa d’un arc-en-ciel étincelant. Dès lors ils ne se
quittèrent plus et retournèrent dans leur pays qui les accueillit avec
enthousiasme.
Ils vécurent encore de nombreuses années et, des siècles après
leur mort, on parlait encore, au pays, du tendre amour qui les avait réunis.
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