vendredi 13 juin 2014

L’Ondine conte de Grimm

Un brave et jeune chasseur, dont l’habileté était devenue légendaire, s’en alla à travers la forêt, accompagné de son épouse. Il poursuivit un cerf et le tua. Puis il s’approcha d’un étang pour y laver ses mains.
A peine eut-il plongé ses doigts qu’une force l’entraîna vers le fond du lac. Sans pouvoir résister, il se laissa glisser. Une ondine, qui l’attendait depuis des années, lui dit : « Comme je t’ai attendu longtemps, ô toi que j’aime ! Mais nous voici réunis et nul bonheur terrestre n’égalera jamais le nôtre. »
Ebloui par tant de beauté, le chasseur perdit la mémoire et son bonheur fut de contempler la trop captivante ondine.
Pendant qu’il s’abandonnait au charme de la nymphe, son épouse, effrayée, pensa que le malheureux s’était noyé. Alors elle se lamenta. Un vieillard passait par là, il s’offrit à la secourir. La jeune femme lui conta ses malheurs, alors le vieil homme lui tendit un peigne en or et murmura :
-Prends courage, mon enfant. A l’aube tu descendras au bord de l’étant, et assise sur la rive, tu peigneras tes longs cheveux d’or. Lorsque tu auras fini, tu poseras le peigne à tes pieds et tu attendras.
La jeune femme reçut l’hospitalité du bonhomme et le lendemain elle se peigna devant l’étang. Tout à coup l’eau fut agitée : un bras émergea, puis une tête et la pauvre enfant reconnut son mari qui lui sourit tristement et disparut dans le lac redevenu calme.
Toute éplorée, la malheureuse fit part au vieillard de sa déconvenue. Celui-ci lui fit don d’un chalumeau et lui conseilla d’en tirer, dès l’aurore, des sons harmonieux. La jeune femme retourna vers l’étang, et quand elle fut lasse de jouer, l’eau se plissa, le chalumeau disparut et un buste apparut, puis un corps tout entier ; le jeune chasseur tendit les bras vers son épouse, mais l’onde se referma, laissant la jeune femme solitaire et désemparée.
Pour la troisième fois elle revint vers le vieillard, qui lui tendit un rouet d’or : « File ton fuseau et lorsque tu auras épuisé ta provision de lin, attends. »
Lorsqu’elle eut filé tout le lin, il se fit un grand bruit, l’onde s’ouvrit et le jeune homme put sauter sur la berge, où tous les deux s’enfuirent.
Mais leur joie fut de courte durée, car une vague énorme s’éleva et les engloutis ensemble. Ils furent au même moment transformés, l’un en carpe, l’autre en brochet et ils ne purent se reconnaître.

Les deux poissons vécurent séparés, mais un jour, l’un et l’autre furent pris dans un filet. A peine sortis de l’eau, ils redevinrent des humains. Alors tous deux cherchèrent du travail et gardèrent des moutons.
Mais avec les années la belle chevelure d’or de la femme eut la couleur de la lune et ses joues se creusèrent de profonds sillons. Elle allait, solitaire, rongée par le chagrin.
Un jour d’orage elle vit un pâtre tout courbé qui conduisait ses bêtes. L’homme abrita son troupeau, s’assit tristement sur une pierre et joua du chalumeau. La bergère pleurait et dit : « La dernière fois que je jouai cet air, je vis le buste de mon bien-aimé émerger de l’onde. »
L’homme regarda attentivement son visage et, malgré les cheveux blancs, il reconnut sa chère épouse.
Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre et l’orage finissant les enveloppa d’un arc-en-ciel étincelant. Dès lors ils ne se quittèrent plus et retournèrent dans leur pays qui les accueillit avec enthousiasme.

Ils vécurent encore de nombreuses années et, des siècles après leur mort, on parlait encore, au pays, du tendre amour qui les avait réunis.

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